Synthèse de la conférence débat du 5 juin 2000 : Quelle gestion municipale de leau et des déchets ?
Conférence organisée par les Verts 58Préambule :
Après la première conférence débat du 3 mars Les Verts 58 ont décidé de poursuivre sur leur lancée en organisant une deuxième conférence afin dentrer plus avant dans les aspects de la gestion municipale. Ceci toujours dans lobjectif de susciter un débat, des échanges, daboutir à des propositions ou à des actions concrètes. Il sagit également de mener une démarche douverture en faisant pa rticiper des gens extérieurs aux "cercles verts traditionnels", le but étant de débattre, de partager des expériences et non de convaincre les convaincus !
Cette deuxième conférence avait pour thème la gestion municipale de leau et des déchets, pour loccasion nous avions invité le V.A.R.N.E (association de valorisation des actions de recherche pour la protection de lenvironnement en nivernais) qui nous a fait part de son expérience denviron dix ans dans la gestion des déchets et plus largement en faveur de la protection de lenvironnement. Lintervention de ses responsables Max Hannon et Franck Bailleul constitue la première partie de cette synthèse.
Autre intervenant Jean-Luc Dreumont, médecin, maire-adjoint de la Charité chargé de lenvironnement et secrétaire des Verts 58 évoqua la question de leau en tant quenjeu environnemental, politique et de santé publique. Nous détaillerons son intervention. Enfin, nous essayerons de retranscrire fidèlement le débat avec et dans la salle.
Intervention de M.Hannon et F.Bailleul :
Président et vice président du V.A.R.N.E.
Le V.A.R.N.E est né en 1989 suite au projet de décharge de Dornecy, il sagissait alors de sopposer à ce projet mais également de proposer dautres solutions. En amont, réduire le contenu de la poubelle en procédant au tri sélectif, en 1989 laction était pionnière, lassociation débuta sur le canton de Clamecy, sur 12 communes en récupérant le papier, le carton, les bouteilles en verre et en plastique. Il sagissait également du premier chantier dinsertion de la Nièvre, nous travaillions avec des C.E.S. Le système fonctionnait en apport volontaire avec un ramassage par semaine. Lassociation se préoccupait également du côté humain de la protection de lenvironnement ; avec lembauche de C.E.S se posait le problème de la précarité des employés et de leur devenir après le contrat, pour compléter leur salaire et les aider à se réinsérer nous leur donnions la possibilité davoir un jardin, le conseil général nous ayant loué une ferme à la Bussière. Les déchets verts fournissait du compost, on a lancé un mini-élevage ; les employés bénéficiait ainsi de produits de qualité.
Au début lassociation demandait à chaque commune un franc par an par habitant puis trois francs ; lorsque nous avons demandé dix francs les élus ont poussé des hurlements, se plaignant déjà de verser une cotisation pour les déchets non recyclés ; le problème était quil navaient pas renégocié leurs contrats avec les autres boîtes à la baisse bien que le V.A.R.N.E ramassait davantage de déchets. En un an et demi nous avions ramassé 152 tonnes de carton, 61 tonnes de papier, 147000 bouteilles en verre, 87 t de verre broyé et 9 tonnes de plastique, les chiffres ont vite augmenté, à la fin nous ramassions sur 45 communes.
B.Bardin, président du conseil général est venu nous voir, il projetait de construire un centre de valorisation des déchets, nos conditions de travail étaient alors assez lamentables, nous navions que deux véhicules, nous déchargions à la main. Nous avons alors travaillé avec le conseil général pour lélaboration des plans, lusine était faîte sur mesure pour le V.A.R.N.E. Cependant la communauté de commune ne souhaitait pas que le centre soit géré par une association, il nous aurait fallu devenir entreprise dinsertion, nous ne souhaitions pas le devenir et les techniciens du conseil général nous lont déconseillé. Des professionnels ont répondu à lappel doffre à des tarifs prohibitifs, nous avons été évincé, pour lassociation tout sest arrêté en ce qui concerne la gestion des déchets. Toutefois notre action nous a permis dobtenir un agrément du ministère de lenvironnent permettant de siéger à la commission départementale du plan délimination des déchets et à la commission départementale dhygiène statuant notamment sur les projets de poulailler industriels ou dusines particulières. Nous nous sommes battus contre le arrachage des haies lors du remembrement ou pour la plantation de nouvelles. Actuellement le V.A.R.N.E se mobilise contre le site de Guipy pour linstallation du centre de stockage des déchets ultimes, ce projet menace une source deau potable approvisionnant 6000 foyers, nous remettons en cause le choix du site et non le principe du centre départemental denfouissement des déchets ultimes.
Intervention de Jean-Luc Dreumont :
A la Charité il sagit de mon premier mandat délu, médecin, jai par ailleurs une formation dépidémiologiste. Je voudrais tout dabord rappeler limportance de leau pour la vie : à titre dexemple une personne âgée privée deau perdra rapidement la tête, un nouveau-né exposé au soleil peut mourir en quelques heures, un enfant peut mourir en un jour dune diarrhée.La prise de conscience de la nécessité de leau potable est une chose assez récente, en France elle date du siècle dernier.
Leau peut également être un enjeu stratégique, cause de certains conflits.
Dans notre pays leau diminue en quantité disponible, les nappes deau dÎle de France ne se renouvelle plus, nous risquons darriver à un point de non-retour. Les réserves en eau potable diminuent, des polluants comme les nitrates ont des effets cancérigènes pour les populations, à la Charité nous frôlons les normes autorisées. Lélu municipal est tenu de fournir de leau potable aux gens, cependant le problème est de savoir qui pollue et qui paye ?
Deuxièmement les élus doivent assainir leau des ménages cest à dire ne pas rebalancer dans la nature les eaux dégueulasses.
Pour accomplir cela une grosse ville a les moyens de payer un ingénieurs, des B.T.S, une équipe dintervention performante ; cependant les petites communes ou les petits S.I.V.O.M qui ont davantage de difficultés doivent répercuter les coûts sur les factures deau qui, par conséquent augmentent. Au conseil général il existe une cellule eau qui, malheureusement est en train de séteindre, le département se dessaisit ainsi dune prérogative importante de service public. Beaucoup de communes se tournent alors vers le privé, cest une bonne chose pour les actionnaires mais pour lintérêt général cest plus douteux. Les appels doffres sont biaisés, les boîtes privées sentendent sur les prix, supérieurs à la réalité du service fourni, et se répartissent le marché. Sur les trois qui répondent à un appel doffre il y en a toujours une qui propose des prix 20 % plus bas, mais lon saperçoit que selon les endroits ce nest pas la même.
En moyenne, une personne en France consomme 150 litres deau par jour, notre besoin naturel est de deux litres. Il est normal de nous faire payer leau potable, mais pas de nous faire payer la dépollution dune eau polluée par dautres, je pense notamment aux problèmes de nitrates ou aux produits phyto-sanitaires.
Débat avec la salle :
Ne connaissant pas lensemble des personnes qui sont intervenues durant le débat, nous avons pensé quil était plus simple de ne préciser aucun nom, désolé pour ceux qui se sentiront dépossédés de leurs géniales interventions, les timides nous remercieront ; vous avez le droit de vous plaindre auprès des responsables !
- Leau se raréfie telle sur notre planète ?
J.L.D. : Dans lavenir il y a un risque de manquer deau potable, dans certaines régions on manque déjà deau tout court. A titre dexemple la ville de Bourges est venue pomper de leau près de la Charité, ses nappes phréatiques étaient trop polluée, le mélange des eaux permet datteindre une moyenne acceptable.
Dans lindustrie notamment il existe des produits très toxiques en petite quantité dont le devenir nous est inconnu.
- Pour économiser leau nest-il pas possible dorganiser un circuit de double distribution, pour le jardin et pour la consommation par exemple ?
J.L.D. : Ce système est très difficile à mettre en place, il y a des risques de contamination du circuit deau potable.
M.H. : A Paris, il existe un deuxième circuit pour les espaces verts, à terme on risque darriver à un système de deux circuits : eau potable en bouteille, eau non potable au robinet.
Des solutions existent pour gaspiller moins deau, elles sont souvent individuelles ; récupérer les eaux de pluie permet déjà déconomiser des tonnages importants.
- Le problème crucial nest-il pas la main mise de firmes multinationales sur la gestion de leau et des déchets ? Quels sont les moyens daction sur les élus pour aboutir à une gestion plus satisfaisante ?
J.L.D. : Les grosses boîtes exercent une pression sur les élus, le centre départemental denfouissement nest pas prêt de se faire, Vivendi fait du chantage : quallez vous faire de vos déchets ? Vivendi essaye de " vendre " son usine dincinération aux communes environnantes. Cette boîte a répondu à un appel doffre pour une usine d incinération mais il pouvait proposer autre chose, pourquoi le S.I.V.O.M de Nevers tenait-il tant à une usine dincinération ? Lusine est surdimensionnée, on aura toujours besoin dun peu dincinération, mais là tout va passer dedans. Le système de thermolyse me semble intéressant, on récupère de lénergie, la combustion se fait à 800-900 °, les produits sot craqués en charbon réutilisable et les polluants sont fixés par le charbon.
- Le S.I.V.O.M a rejeté la thermolyse, les Verts auraient dû se manifester lors de lenquête publique à Fourchambault. Vous navez pas été très présents.
J.L.D. : Si davantage délus sétaient opposés au projet ce dernier naura pas vu le jour, cest là que doit se situer notre action.
- Lusine dincinération de Fourchambault est bien trop proche des habitations, la dioxine reste un problème. Lusine pollue depuis vingt ans, elle est complètement illégale.
F.B. : La Nièvre na toujours pas de plan départemental délimination des déchets, les pouvoirs publics présentaient plusieurs scénarios, le V.A.R.N.E en a également présenté, mais nous avons été roulé dans la farine, tout était joué davance.
- Le cur du problème est de savoir si la gestion de leau par des intérêts privé est compatible avec lintérêt général, je ne le crois pas, le groupe communiste à lassemblée nationale sest prononcé pour un grand service public de leau, leau doit rester une compétence fondamentale de lEtat.
- Dune manière générale le politique abandonne de plus en plus ses prérogatives à la sphère privée, on sempresse de déléguer la gestion de leau à des sociétés privées. Dans la Nièvre 60 % des communes lont fait. Les intérêts des actionnaires de ses sociétés ne sont pas les mêmes que ceux des citoyens. Dans la région parisienne le système est depuis longtemps aux mains du privé, le circuit de distribution se dégrade, le service est mauvais, cela prouve la faillite dune gestion privée. Une action doit être menée sur les élus, ces derniers ne doivent pas tomber dans la facilité. Laction des associations est bénéfique, mais il ne faut pas oublier que les décisions se prennent dans la sphère politique.
J.L.D. : Le marché de leau et des déchets génère des profits bien juteux. Lorsquun produit arrive sur le marché sa revalorisation devrait déjà être prévue, sa toxicité devrait être correctement évalué avant dautoriser son entrée sur le marché. Il sagit là dun problème législatif.
- Il faut changer les critères dattribution des marchés publics, cest la solution la plus écologique qui doit être retenue même si elle est plus chère ; le critère écologique doit passer devant le critère coût.
Individuellement le citoyen peut adopter un certain nombre de comportements écolos : choisir des produits avec le moins demballage, vérifier que les emballages sont recyclables, veiller à ce que le désherbage de sa commune se fasse sans produits toxiques, acheter bio pour lutter contre la pollution des nappes phréatiques par les nitrates
F.B. : Dans une commune près de chez moi une équipe municipale sest justement battue sur le mieux disant écologique en choisissant une station d'épuration biologique Eparco. La D.D.E a essayé de les en dissuader, on se demande bien pourquoi ? La station aujourdhui fonctionne parfaitement.
Concernant le site de Guipy il ne faut pas tomber dans lalternative fallacieuse Guipy ou incinération, ce serait un suicide écologique, il existe dautres sites pour accueillir le centre départemental denfouissement des déchets ultimes. Lemplacement du site a été décidé avant davoir effectué un travail de fond correct sur le site, il sagit de prendre son temps plutôt que de faire nimporte quoi.
Post-scriptum :
Il convient peut-être de ressortir les différentes propositions qui se dégagent de cette rencontre, ces points sont à discuter, tout reste ouvert au débat :- Il apparaît nécessaire de répartir à la conquête dun service public de leau et des déchets. Faire pression sur les élus pour les empêcher dabandonner davantage leurs prérogatives.
- Construire au niveau inter-communal et départemental des services publics de gestion de leau et des déchets, dans la mesure des possibilités faire campagne pour un retour en régie dans le maximum de communes.
- Au niveau des politiques publiques favoriser le mieux disant écologique.
- Bannir au maximum lincinération des moyens de traitement des déchets, faire place à des solutions alternatives : Thermolyse, plate-forme de compostage, multiplication des points de collecte sélective et des déchetteries.
Synthèse effectuée par Wilfrid Séjeau